Une semaine d’alpinisme hivernal au Ben Nevis en Ecosse, le plus haut sommet de Grande Bretagne avec ses 1344 m !
Je rêve depuis quelque temps d’aller tâter cette montagne, véritable concentré de voies mixtes glace / neige / rocher. L’éthique y est sacrée, temple du terrain d’aventure: toutes les protections à poser et le rocher à laisser propre. Étonnant d’y trouver de telles cotations d’engagement, si proche du refuge et même de la ville. La météo n’y est pas étrangère, le temps au Ben Nevis étant pour le moins .. exécrable. Jugez vous-même (d’après Wikipedia):
recouvert par les nuages en moyenne 355 jours par an ;
261 jours de vent force 8 ou plus en moyenne ;
4 500 mm de pluie par an
Pour m’y guider, j’ai choisi Paulo Grobel, un habitué des lieux. Ses récits de voyage sont une belle vitrine qui a joué dans mon attirance pour le Ben.
Avec comme objectif annoncé de renforcer mon autonomie, j’assurerai le rôle premier de cordée avec chacun de mes quatre coéquipiers: Catherine, Svend, Alexandre et Fabienne. Paulo guidera deux d’entre nous dans notre plus belle réalisation (Orion Face et Astral Highway).
- Carn Dearg Cascade (45m, II, 5)
- Ledge route (PD+, 450m, II 2)
- Tower Ridge (D, 600m, IV, 3+)
- Green Gully (180m, III, 4)
- Astral Highway (400m, V, 5)
- Comb Gully Buttress 1 (125m, III, 4)
On nous avait donc promis l’enfer côté conditions météo, mais de ce côté se sera raté. Nous avons connu quatre jours de météo tout à fait exceptionnelle, grand beau temps pour la région. ‘Heureusement’, le dernier jour s’est fortement dégradé, nous donnant un aperçu du Ben en conditions plus normales. Pour le reste, c’était tout simplement parfait, en grande partie grâce aux participants et plus particulièrement à notre guide Paulo.
Vendredi, Samedi et dimanche : La montée au refuge
Toute l’équipe se retrouve pour un vol Ryanair à Beauvais. A la première pesée, j’affiche à moi seul 32 Kg sur deux sacs… Nous répartissons les affaires, un supplément de 3 bagages pour le groupe nous aide à boucler l’affaire. Direction Glasgow où nous passons la première nuit.
Le samedi est dédié au transfert vers Fort William, la plus proche ville du Ben Nevis. Il nous faut combiner taxi, bus et train pour y parvenir. Nous y faisons toutes les courses pour la semaine à venir, qui se rajoutent aux sacs déjà bien pleins.
Nous faisons appel dimanche à Alan Kimber, un guide local réputé pour nous aider à monter autant que possible les sacs. L’inhabituelle hauteur de neige tombée les jours précédents aura raison du 4×4. malgré sa ténacité. Le reste du trajet se fera donc à pied. Nous organisons la montée au refuge en deux équipes, et ferons deux aller-retour chacun, pour monter nos 12 sacs au total.
Lundi : prise de contact
Pour cette première journée, nous séparons le groupe en deux; je pars en autonomie avec Alexandre. Lancement des hostilité par une cascade de glace ‘bien de chez nous’ : Carn Dearg Cascade (II, 5).
Nous rejoignons ensuite l’itinéraire Ledge route (PD+, II, 2). La fréquentation sur le Ben est très faible ce jour là, nous avons le Ben pour nous seuls.Nous profitons de cette première journée et d’un beau temps exceptionnel pour faire un repérage des sommets du Ben: les plots de repérage positionnés selon un axe de 282°, l’abri refuge au sommet, et l’un l’itinéraire de descente par Abseil Post. J’en profite pour caler mes repères GPS, on ne sait jamais, ça pourrait servir …
Mardi
Toutes les cordées s’engagent lors de cette deuxième journée dans l’un des plus célèbres itinéraires du Ben Nevis : Tower Ridge (D, IV, 3+, 600m); je ferai la course avec Fabienne.
Petit embouteillage des cordées au passage clef “The Gap”, nous nous faisons même doubler de manière peu sympathique par une cordée qui a dû se croire à Chamonix .. Nous choisissons la traversée “Eastern Traverse” et opérons la descente par Abseil Post.
Nous ne serons pas déçus par cette magnifique course d’arête, le parcours mérite sa renommée.
Mercredi
Svend et moi choisissons avec l’aide de Paulo une voie que nous gérerons en totale autonomie. Notre choix se porte sur Green Gully (III, 4), une voie de 180 m dans le secteur de Green Gully Wall.
Dans les deux dernières longueurs, par défaut de jugement et à défaut de trouver un emplacement adéquat pour établir le relai, je prends la décision de finir à corde tendue. Situation qu’interprète mal mon second de cordée qui tente alors de ‘communiquer’ en tirant la corde par grands à-coups. Quelques frayeurs pour moi tandis que je suis à corde tendue, en tête, dans les sections raides finales avec un partenaire à hisser :)
Nous utilisons la voie Number 4 pour la descente.
Jeudi
A la question “quelle est la ta plus belle voie au Ben ?”, Alan Kimber nous avait répondu “Astral Highway”. Ce sera la destination que Paulo, Svend et moi prendrons pour notre plus grosse réalisation de la semaine.
Nous partons à l’assaut dans un premier temps des 4 premières longueurs de Orion Direct (IV, 5), qui nous menent au démarrage d’Astral Highway (V, 5).
Nous le confirmerons en cours de journée, il s’agit effectivement d’une très belle voie, avec deux passages délicats et surtout difficiles à protéger, pour une cotation d’engagement justifiée.
Vendredi : le Ben découvre son vrai visage
La semaine touche à sa fin, cette dernière journée devra être courte puisque nous nous donnons tous rendez-vous au refuge à 15h pour un retour à Fort William dans l’après-midi.
Nous faisons un départ plutôt tardif mais les voies prévues sont relativement courtes. Les conditions normales du Ben sont revenues et nous découvrons le Ben sous la pluie, la neige et le brouillard. Deux cordées iront dans Comb Gully, tandis que je me dirige avec Catherine vers Comb Gully Buttress 1 (III, 4).
Et ce qui aurait dû être une course rapide ce transforme alors en journée riche en enseignements. Une chute en tête, les deux piolets qui dégagent avec un bloc. L’apprentissage de l’autonomie, dans le Ben. Et une seconde de cordée qui me fera confiance malgré une sortie de nuit au sommet. Et me demande : “On est où”. Ma réponse “au sommet” lui fait chaud au cœur ..
Les difficultés ne sont néanmoins pas toutes passées, nous passons à l’épreuve suivante: la navigation “à l’aveugle” sur le sommet du Ben, à la recherche du chemin du retour. Impression très étrange que d’avancer, pas à pas, avec le masque de ski, la frontale, dans la nuit, le brouillard et sous la neige. Cela donne l’impression d’être comme dans un rêve, en scaphandre … Heureusement, j’ai préparé mon GPS et sais m’en servir, nous suivons ses précieuses indications en vérifiant toujours autours de nous au cas où, les parois sont proches. Nous retrouvons le panneau indiquant notre voie de sortie, Number 4. Nous redescendons et orientons les frontales en vue du refuge, nous doutant que Paulo s’inquiète. Nous le retrouverons effectivement sur le chemin, en train de partir nous chercher.
On fait une pause, on boucle les sacs et on entame la descente vers Fort William. Tous se seront bien inquiétés pour nous ..
Samedi : le retour, déjà
Après un levé très matinal, nous prenons le bus, le train, et l’avion pour rejoindre la France dans la soirée. Quel contraste lorsque j’arpente les couloirs du métro pour regagner mes pénates …
Bravo, Très sympa et belle photo…ça donne bien envie d’y faire un tour…à bientôt
Nico